Je viens de boucler la semaine dernière un cycle amorcé il y a une douzaine d’années quand j’ai pris la direction de la société coopérative Dalibo avec Jean-Paul Argudo. Ce voyage m’a conduit beaucoup plus loin que je ne l’aurai imaginé et il m’a appris énormément sur moi-même et sur la gouvernance d’entreprise en particulier. Je reste au sein de la société et je retourne à mon métier premier et ma passion : DBA PostgreSQL !
Aujourd’hui si j’ai décidé de passer la main, ce n’est pas par dépit ou par fatigue. Au contraire ! Je laisse ma place de co-gérant de la société parce que j’ai confiance dans le collectif que nous formons avec mes collègues et dans la diversité des points de vue qui s’expriment. On mesure souvent le talent d’un créateur d’entreprise à la capitalisation de sa société ou à l’emprise qu’il exerce sur ses salariés. Je crois fermement à l’inverse : transmettre son pouvoir gratuitement est un acte de leadership ultime.
Au fond de moi, je suis convaincu que les plus belles créations sont celles qui dépassent leur auteur et lui survivent : écrire un livre, élever un enfant, bâtir une maison, etc. Aujourd’hui j’ai pleinement l’impression que Dalibo est devenue une aventure collective et autonome. Je suis fier de continuer à en faire partie et je suis heureux de pouvoir prendre du recul pour me laisser porter.
Bien sûr mon bilan n’est pas parfait : tout au long du parcours j’ai fait des erreurs et des maladresses. Ces années de pouvoir ne m’ont pas laissé indemne et elles m’ont fait perdre des amis en chemin. Je n’oublie pas toutes les personnes qui ont participé à cette aventure mais qui ne sont plus avec nous aujourd’hui. Elles m’ont transformées chacune à leur façon…
J’ai dérapé parfois mais je suis toujours resté sincère et focalisé sur la cohérence entre mes actes et mes idées. Et quand je me suis perdu, j’ai systématiquement pris comme repère les valeurs fondamentales de dalibo : ouverture, transparence et cette vieille idée que le savoir (et donc le pouvoir) doit être partagé le plus largement possible.
Je voudrais remercier Jean-Paul Argudo qui m’a supporté pendant ces douze années. Dans tous les sens du terme ! Notre co-gérance n’était pas un long fleuve tranquille et notre grande force n’était pas le consensus mou :) Nous avons gouverné avec nos contradictions et nos différences de caractères, dans un mouvement dialectique continu qui nous a toujours permis de transcender nos oppositions dans les moments difficiles. Nous avons parfois eu envie de s’étrangler mutuellement et nos paroles ont dépassé notre pensée de temps en temps, mais il y a toujours eu du respect et de l’écoute. C’est ce qui me manquera le plus. Je ne suis pas certain de vivre à nouveau un duo aussi puissant…
Je transmet le flambeau à Virginie Jourdan et je lui souhaite de vivre une expérience similaire. Je lui donne toute ma confiance pour prendre ma place en y injectant sa personnalité et ses différences. Elle a toute la légitimité et le charisme nécessaire pour co-piloter ce navire un peu fou.
Merci enfin à tous les salariés de Dalibo ! Grace à elles et à eux, je vais me libérer complètement de ce rôle de chef et je compte sur leur vigilance pour me rappeler à l’ordre si jamais je replonge ! Je les remercie sincèrement de me donner la possibilité de réinventer mon rôle dans la société et me consacrer à un nouveau métier. C’est une chance rare, je l’apprécie à sa juste valeur et je souhaite que tout le monde ici puisse faire autant au sein de la coopérative.
Vive Dalibo ! Vive l’open source et vive l’autogestion !
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